Rafina est situé sur le continent dans
le golfe d'Evvia, une ile toute en longueur qui mesure environ 160
Kms, qui borde le continent et qui s'en rapproche d'une cinquantaine
de metres seulement à Khalkis, ville où se trouve le pont à tiroir
qui s'escamote pour laisser passer les bateaux, mais n'anticipons
pas...
Aprés m'être assuré de la
faisabilité d'un amarrage dans Rafina pour juillet, je me dirigeais
vers le nord dans le golfe d'Evvia.
Depuis Rafina, c'est environ 127 miles
à parcourir entre Evvia et le continent, mais pour l'heure je visais
une première escale à Voufalo que le guide indiquait être un abri
sûr et charmant.
Chemin faisant je longeais donc la
célèbre plaine de Marathon,
qui fût le théâtre de la bataille du même
nom qui opposa l'armée perse aux hopplites athéniens vers – 430
bc (mais vous vérifierez la date dont je ne suis pas tout à fait
sûr). Deux choses ont rendues cette bataille célèbre, la première
est la victoire des grecs obtenue malgré un rapport de force très
défavorable et la seconde étant la façon dont les athéniens ont
déjoué la ruse des Perses qui réembarquant une partie de leurs
forces terrestres sur leur flotte de guerre, comptaient faire le tour de la
péninsule en bateau afin de débarquer côté Athènes et se
rendre maîtres de la ville pendant que l'armée athénienne
continuerait à se battre à Marathon. L'histoire rapporte que non
contents de remporter la bataille, les guerriers grecs se sont
immédiatement mis en marche forcée afin de rejoindre leur ville
avant les Perses afin de pouvoir être en mesure de la défendre. Ils
firent tant et si bien qu'ils arrivèrent sur les rivages d'Athènes
au moment où la flotte perse se présentait ce qui les découragea
totalement d'y débarquer.
Mais le temps que je vous conte cette
histoire, me voici en vue de Voufalo :
Comme nous étions le vendredi 15 mai,
que l'endroit était bien tranquille et que, qui plus est, le passage
du pont de Khalkis est surtaxé le week-end, je décidais de rester
mouillé à Voufalo quelques jours.
Alizée au mouillage à Voufalo
Entre temps, j'avais passé une annonce
pour prendre un équipier pour ce voyage. Et comme j'avais quelques
contacts, je pouvais facilement depuis cet endroit retourner sur
Rafina pour aller en chercher un qui arriverait par avion depuis
Athènes éventuellement. Finalement c'est Quentin, un jeune de 21
ans qui fût le plus rapide, il était en Turquie et rentrait d'un
voyage de près d'un an en Asie. Après quelques échanges de mails,
il fut convenu qu'il embarquerait à Khalkis.
Le dimanche, je me mettais donc en
route vers Khalkis avec l'idée de faire un stop en face d'Eretria où
parait-il il existe un chantier naval parmi les moins onéreux de
Grèce, afin d'y prendre quelques infos sur leurs tarifs de grutage
et de carénage. Je pourrais ainsi m'y rendre le lundi matin avant de
reprendre ma route vers Khalkis et mon RV avec Quentin.
Je mouillais donc près de la plage et
consacrais mon aprés-midi à divers bricolage alternés de baignades
et décidais de rester là pour la nuit.
Le lendemain je me dirigeais vers le
petit port de Khalkoutsi afin d'y laisser Alizée amarré le temps de
rendre visite au chantier.
L'entrée dans ce port n'est pas
simple, et dés l'abord la couleur est annoncée : 2,1 m de
fond !! Qu'est ce que ça va être à l'intérieur ?
D'ailleurs un homme accourt à l'extrémité de la jetée en me
faisant moults gestes pour me faire comprendre d'aller doucement,
chose que j'avais parfaitement l'intention de faire vu le peu d'eau
qu'il devait y avoir sous la quille d'Alizée !! Aprés un
passage critique où le sondeur afficha 1,7 m (glurp!) juste à
l'entrée, ce qui est souvent significatif d'un envasement ou
ensablement de l'entrée d'un port, les fonds redescendaient un peu :
2,1 m / 2,2 m pas vraiment les abysses mais avec ça on flotte !!
Et je me mettais à quai sous le flot de conseils de prudence (à
défaut de flots tout court dans le port) du gars qui m'aidait à
prendre les amarres.
J'ai un peu mieux compris ensuite la
raison de ces appels à la prudence. Au chantier, on m'a un peu
expliqué que ce port est blindé d'ancres et de cordages en tout
genre qui reposent au fond et que le moindre remous vous propulse en
surface une quantité inextricable de cordages en tout genre lesquels
comme on le sait n'ont qu'une passion avouée, celle de s'entortiller
joyeusement autour de votre hélice, du gouvernail et de la quille !!
Sachant qu'en plus l'eau de ce port est marron et totalement opaque,
je vous laisse deviner le plaisir qu'il y aurait à devoir plonger
pour s'en défaire...
Vous pouvez donc imaginer facilement
qu'armé de cette nouvelle connaissance des lieux je suis sorti de ce
piège sur la pointe des pieds !!! Si j'avais pu, j'aurais même
chargé Alizée dans l'annexe et j'en serais sorti à la pagaie !!
Oufff, ce coup-ci Poseidon était avec
moi et je n'ai repris le cours normal de ma respiration que lorsque
j'ai vu 5m affichés au sondeur, aprés avoir fait toute la sortie du
port en apnée !!
Cap sur Khalkis, mais non sans un arrêt
mouillage déjeuner/sieste dans une petite anse fort accueillante,
mais je vous laisse en juger par vous-même :
Deux petites mers intérieures à
parcourir dont la première est balisée pour cause de hauts fonds et
j'arriverai à Khalkis.
Lorsque l'on arrive à Khalkis en
venant du sud (ce qui est mon cas) on passe d'abord sous un grand
pont suspendu
...et puis on arrive dans une petite
mer presque complétement fermée. Tout au Nord un pont routier barre
le passage c'est le fameux pont à tiroir de Khalkis.
Je dis fameux, non pas à cause de ce
dispositif de tiroir (le pont s'escamote sous la route lorsqu'il
s'ouvre) qui est la version moderne de ponts plus anciens qui se sont
certainement succédés ici, puisque la distance entre le continent
et l'ile d'Evvia n' y est que d'une cinquantaine de mêtres. Mais
parce que l'étroitesse du passage, conjuguée à la grande longueur
de l'ile d'Evvia (environ 165 kms) fait que se sont quasiment deux
mers qui se rencontrent ici et que cela génère deux phénomènes :
le premier est une marée d'une amplitude pouvant aller jusqu'à 1,5
m (d'aprés le guide) et le second un très fort courant
vraisemblablement induit par ladite marée. Ce qui rend fameux
l'endroit, c'est que le célèbre mathématicien grec Aristote se
serait rendu lui-même sur les lieux afin de trouver une explication
au double phénomène...et qu'il aurait séché !!
Les deux phénomènes sont localisés à
la proximité immédiate du passage. Cependant le courant peut y
atteindre 7 à 8 nœuds !! Quand on sait que c'est la vitesse
maximum que peut atteindre Alizée avec son moteur (et il n'est pas
question de passer à la voile – ce qui est d'ailleurs proscrit)
voilà de quoi corser l'affaire !! Seconde complication, les
deux rives étant si proches, c'est en fait la même ville qui s'est
développée de part et d'autre et il n'est donc pas envisagé par
les autorités d'interrompre la circulation incessante entre les deux
berges dans la journée. Ce sera donc la nuit....et pour que la
navigation puisse se faire en sécurité, chaque soir les
coast-guards calculent l'heure d'étal de la marée (et donc de
moindre courant) afin de déterminer l'heure d'ouverture du pont et
donc de franchissement pour les bateaux. La veille on m'apprend
c'était 3H du matin, idéal pour faire deux nuits en une !! De
plus le pont n'est ouvert que pendant 20 minutes, donc il ne faut pas
traîner, sinon on est bon pour attendre 24h de plus...
Arrivé en début d'aprés-midi, j'ai
fini par accoster tant bien que mal. Alizée soumis à un fort
courant descendant et qui générait des courants inverses et
tourbillonnants dans le renfoncement aménagé le long du quai était
en même temps sous l'influence d'un vent d'une douzaine de nœuds
arrivant par le côté de l'AR et l'écartant du quai, pas simple la
maneuvre ! Finalement la deuxième tentative fut meilleure que
la première (comme quoi on apprend toujours de ses échecs) :-) et
rapidement amarré j'étais enfin à Khalkis.
Quentin vint me rejoindre et fit son
embarquement, aprés avoir fait 16h de car depuis la Turquie, pas
rien !! Après l'avoir accueilli par un jus de fruits, je lui
indiquais tout de suite sa cabine que j'avais préalablement préparé
et lui proposais l'usage de la douche dans la foulée, j'imagine le
bien que ça doit faire une bonne douche dans ces cas-là !!
Les démarches effectuées auprés des
autorités portuaires étant accomplies, nous avons eu la surprise
(et le plaisir) d'apprendre que ce soir-là le pont ouvrirait à
partir de 21h30 !! Cool.
Il ne nous restait plus qu'à faire un
peu connaissance et aller faire quelques courses, Quentin ayant
refusé ma proposition d'aller se reposer. Nous avons repéré un
quai parfaitement convenable pour nous accueillir une fois que nous
aurions franchi le passage, il n'y avait plus qu'à attendre le soir.
Alertés par la VHF à 21h30, nous
avons franchi le passage vers 22h00 devant une foule compacte amassée
de chaque côté sur les berges, certains nous appelant « Alizée »
d'autres nous faisant des signes de la main, sympa. Comme je l'ai
fait alors remarqué à mon nouvel équipier « c'est la
gloire » ;-)
Le lendemain, j'appareillais seul,
Quentin dormant encore. Je pense qu'il avait besoin de récupérer.
Plus tard dans la journée et compte tenu des vents et de la distance
que nous avions à parcourir, je décidais que nous ferions étape à
Loutra Adhipsou un petit port (et station thermale?) au Nord d'Evvia.
La très belle et très sauvage côte
Nord-Ouest d'Evvia :
Joli mais tout petit port que ce Loutra
Adhipsou dans lequel nous avons dû faire rentrer Alizée au
chausse-pied, mais au moins il y avait du fond !! Village un peu
endormi, mais nous ne sommes que mi-mai, et puis un splendide hotel
sur le bord de mer ainsi qu'un espèce de réservoir où une
conduite amenait une eau bouillonnante de laquelle s'échappait de la vapeur nous fit
penser à de l'eau provenant d'une source thermale. Quelques mêtres
plus loin, la coloration jaune-orangée de la terre nous confirma le
bien fondée de cette hypothèse, il s'agissait bien de soufre.
Simple escale sur notre route vers les
Sporades, nous repartons dès le lendemain matin, avec un beau ciel
bleu....au-dessus de nos têtes, et bien noir là-bas, justement dans
la direction où nous faisons route. D'ailleurs quelques temps plus
tard, le ciel lointain se balafre d'éclairs, je crois que cela va
être pour nous !! Je prépare le bateau et la tenue de pluie,
nous sommes parés à prendre la douche.
Pour sortir du golfe d'Evvia il y a des
îlots qui barrent le passage et trois possibilités. La première,
la plus courte, est aussi la plus étroite, elle est bordée de
rochers et de hauts-fonds et de plus elle se négocie par un virage à
90° juste avant des récifs. Inutile de dire que sous une averse
orageuse au cours de laquelle la visibilité peut être réduite à
quelques mêtres, et ne laisser que le GPS comme guide, cette option
n'est pas celle que j'envisage en priorité !
La deuxième ne nous rallongerait pas
beaucoup mais elle est également bordée de récifs et la troisième
est vraiment très large et franche. Ces deux options peuvent en plus
s'aborder directement et on a donc la possibilité de faire route au
compas en cas de visibilité réduite.
Finalement l'orage qui sévissait en
plein sur ces îlots s'est peu à peu déplacé au fur et à mesure
que nous nous en rapprochions, et c'est en définitive par la voie la
plus courte, mais pas la moins belle que nous avons réduit notre distance aux Sporades.
Un peu trop éloigné encore pour une arrivée de bonne
heure a Skiathos, la plus occidentale des Sporades, j'ai finalement décidé d'entrer (mais à peine) dans la baie
de Volos pour y mouiller la nuit près d'un petit port que j'avais
répéré dans le guide. C'est ce qui nous a permis de voir de façon
très fugace un phoque moine, espèce protégée en méditerranée,
juste avant qu'il ne plonge, échappant ainsi à nos observations.
Le lendemain matin, réservoirs d'eau
remplis pour cause de rareté dans les îles, nous étions parés
pour notre dernière étape avant notre arrivée...dans les
Sporades !
Alizée fait le plein d'eau à Pighadi
...qui feront l'objet de la suite,
A bientôt !
A bientôt !